L’incontournable du mois de février 2024

UN ENFANT DE DIEU de Cormac McCarthy

 

Lester Ballard est un être asocial, qui vit dans la forêt aux confins de la société humaine et du monde sauvage, dans un dénuement extrême avec pour seul bien son fusil avec lequel il chasse et tue.

 

Cet homme n’a pas d’amis, juste quelques connaissances, qui comme lui respirent la misère et le dénuement : le gardien de la décharge, un trafiquant d’alcool et d’autres laissés pour compte qu’il côtoie épisodiquement.

 

Son enfance a été difficile : abandonné très tôt par sa mère, il l’est également par son père dont il découvre le corps pendu dans une grange alors qu’il est encore enfant.

 

Dans son livre, Cormac McCarthy tente de cerner au plus près l’essence de cet homme « livré à lui-même » sur le chemin qui l’entraine progressivement, mais irrésistiblement, dans la pénombre.

 

Au cœur de celle-ci, il y a ces très jeunes femmes qui attirent Ballard autant qu’elles l’effrayent puisqu’il en ignore tout.

 

Mais Ballard est un chasseur et ces femmes, objets de sa convoitise, symbolisent sans doute dans son esprit le gibier suprême qu’il va finalement traquer et tuer afin de pouvoir enfin posséder leur enveloppe charnelle.

 

Par-delà le parcours de Ballard que rapporte le livre, l’auteur nous interroge sur ce qu’est l’être humain et sur les frontières, qui le définit et le caractérise.

 

McCarthy décrit en effet Ballard, mais ne le juge pas, et lorsqu’il semble tenté de le faire, ce n’est que marginalement et par touche, à travers ses rares commentaires ou les propos qu’il met dans la bouche de personnages ayant connu ponctuellement cet homme.

 

De même, s’il suggère les assassinats et sa nécrophilie, son texte reste toujours distant et rarement descriptif.

 

En clair et malgré son contexte, « Un enfant de Dieu » n’est en rien un énième reportage sur un tueur en série, même s’il s’inspire, semble-t-il, d’un fait divers réel.

 

Ajoutons que le texte, à la fois sobre et lyrique, est somptueux et mérite relecture tant il confère à l’ouvrage une partie de son aura.

 

Le livre, sorti en 1972, est le troisième de l’auteur et comme pour la plupart des romans de Cormac McCarthy, le lecteur se trouve en première ligne et ne sait jamais ce que lui réserve la prochaine page.

 

Cet admirable écrivain, sans doute l’un des plus grands du XX siècle, est décédé en 2023.

Bonne lecture.

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