L’incontournable du mois de janvier 2024

PAS D’ORCHIDÉES POUR MISS BLANDISH de James Hadley Chase

C’est le premier livre de James Hadley Chase et sans doute l’un des meilleurs.

 

Écrit en 1938, publié en 1939 au Royaume-Uni, le roman connait rapidement un immense succès. Il sort en 1946 en France parmi les tout premiers ouvrages de la Série Noire dirigée par Marcel Duhamel. Cette première version sera remaniée par l’auteur au début des années 1960 afin d’en « moderniser » le contenu et le style.

 

L’histoire est censée se dérouler au Kansas (USA) région réputée pour ses gangs dans les années 1920-1930. L’intrigue repose sur l’enlèvement d’une jeune et riche héritière, Miss Blandish, par une bande de truands locaux qui vont récupérer sa rançon avant de disparaitre dans la nature sans libérer la jeune femme.

 

Divisé en deux parties, le livre campe d’abord les prémices et le déroulement de l’enlèvement puis dans un second temps le dénouement de ce fait divers sordide.

 

Chase campe ses personnages, notamment les membres du gang GRISSON, avec un talent certain. Le personnage du détective, à l’origine de la résolution de l’affaire, est un stéréotype du privé qui à l’époque connait ses heures de gloire dans les romans policiers ainsi qu’au cinéma.

 

Mais ce sont les personnages féminins de ce roman qui sont sans doute les plus remarquables, et ce bien qu’ils soient traités par l’auteur de façons profondément différents. M’am GRISSON, tout d’abord, la cheffe du gang du même nom est femme d’un certain âge, intelligente et sans pitié, qui dirige d’une main de fer les truands qui se rangent sous ses ordres. Elle n’a qu’une seule faiblesse : son fils Slim, psychopathe instable et sadique, que Chase utilise de façon prémonitoire comme l’incarnation du mal, qui est fasciné par Miss Blandish.

 

S’agissant de cette dernière, Chase se limite à peu de chose dans la première partie du livre si ce n’est décrire ce qui constitue les caractéristiques essentielles du personnage et le rôle qu’elle va y tenir : elle est jeune, belle, riche, et elle personnifie tellement ces trois « qualités » qu’elle parait sortir d’un conte de fées égaré dans le Kansas profond. Par la suite, l’auteur va continuer à entretenir le flou en se limitant aux allusions et remarques des autres personnages quant au sort réservé à la belle héritière par ses ravisseurs. C’est glauque et sordide à souhait et sans doute particulièrement transgressif pour l’époque.

 

Au final, ce livre apparait beaucoup plus ambitieux qu’il n’y parait au départ. Car la force essentielle de Chase consiste, sous couvert d’une histoire de gangsters, à peindre une véritable tragédie moderne dont le lecteur va prendre progressivement conscience dans la seconde partie de l’ouvrage, avant de découvrir dans les dernières pages du roman une fin vraiment révélatrice du talent de son auteur et de ses ambitions.

 

Si l’on en croit la rumeur, CHASE aurait écrit ce livre en six weekends.  Si tel est le cas, il devait le murir depuis de nombreuses années. Mais on peut aussi tabler sur le professionnalisme de cet homme qui a écrit un livre se déroulant aux USA sans n’y avoir jamais mis les pieds au préalable sans que personne ne s’en aperçoive à l’époque.

 

Pas d’orchidées pour Miss Blandish est donc bien un chef-d’œuvre et James Hadley Chase, un auteur remarquable à qui l’on doit près de 90 romans et nouvelles. Chapeau l’artiste !

Bonne lecture.

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